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A Cuba, Che Fidel
1 juillet 2015

De Camaguey à Santiago de Cuba

Ce matin pour le déjeuner, j’ai demandé un thé en espérant avoir plus d’un quart de tasse. Pari gagnant, surtout que c’est rare qu’il y ait du thé de disponible. Le descendant de Sadi Carnot m’avait dit qu’il me commanderait un bici-taxi, c’est une voiture qui m’attend, un de ses amis ou tout au moins une connaissance. Qu’importe, le prix est fixé à l’avance, il n’y aura pas de surprise. La salle d’attente de la gare routière est déprimante comme d'habitude. Une photo de Fidel Castro trône sur un pan de mur, près de la cafétéria… où il n’y pas d’eau à vendre et une serveuse à la moue repoussante.

Cafeteria de la gare routière de Camaguey.

 

Comme à Trinidad, il faut enregistrer son bagage et il a fallu présenter le passeport pour avoir un billet. Le gérant des bagages me montre une pièce de 1 CUC en m’incitant très fortement à donner un petit quelque chose. Nous commençons à parler, ce qui nous éloigne du pourboire totalement illégal. C’est un fan du tour de France qui est diffusé ici en décalé. Je ne sais pas lui dire s’il a commencé, me tenant éloignée des informations, d’abord par absence de connexion à Internet puis de manière un peu volontaire parce que c’est très reposant. Il admire les coureurs en particulier dans les montagnes, mais je lui explique qu’ils sont tous dopés. Un Occidental croisé à Trinidad, voyageur solitaire en mal de compagnie, cherche à créer un contact avec moi. Ma solitude me va très bien, j’apprécie les rencontres quand elles sont fortuites mais n’ai pas envie de m’encombrer d'un loup errant.


Le bus arrive en retard de ne je sais où et très curieusement, il est rempli au trois quart de Cubains. Les chauffeurs se réservent les places de devant, dont deux pour leurs bagages, ce qui est un peu agaçant. L'un d'eux porte une moustache proportionnellement volumineuse à sa taille et qu'il peigne régulièrement. La route, souvent trop étroite, sera monotone comme précédemment. Canne à sucre essentiellement et champs à l’abandon. Un peu de lecture me permet de m’évader malgré la musique ambiante qui fait partie du trajet même si personne ne la demande. Tous les tubes des années 1980 sont revisités à la sauce hispanique. Souvenirs, souvenirs. Mais cette musique permet de couvrir le son qui sort d’un ordinateur en face de moi. Un couple cubain regarde un film sur son ordinateur portable. Le casque ou les écouteurs ne devaient pas faire partie du budget. Cet équipement trahit en tout cas un niveau de vie plus élevé que la moyenne, de même que le voyage avec Viazul, plus cher qu’avec Astro, la compagnie interdite aux étrangers.

Toilettes un peu spéciales à Bayamo.


A chaque ville ou village traversé, les slogans nous accueillent. « La calidad es el respecto del pueblo » affirme l’un d’eux. « El poder del pueblo eso si es el poder », clame un autre sur une photo de foule. Mais aussi « nos sobran razones para vencer » ou « Las Tunas, tierra de campeones » avec la photo de Fidel Castro bras dessus dessous avec un sportif. Nous faisons une halte, brève, à Bayamo. Sur le parking des bus, un étrange camion. Ce sont des toilettes payantes : 1 peso pour uriner, 5 pesos pour autre chose, est-il précisé en lettres blanches sur fond rouge ! Des tuyaux sortent de dessous le camion pour terminer dans un trou dans le sol. L’invention des Cubains est inépuisable.

De même qu’en matière de transport, je vois des vélos transformés en motocyclette : un bidon d’essence sur le cadre, un petit moteur monté sur les roues et fini de pédaler. Il y a également les side-cars qui servent de taxi, casque inclus. Un petit tour dans la salle d’attente à Bayamo pour me convaincre qu’elles sont toutes identiques. Une petite fille répondant au prénom de Vanessa se fait réprimander par son père. Ca me rappelle la petite Jessica à Viñales et je ne peux éviter de penser que les séries télé ont influencé la mode des prénoms, comme les héros de Dallas l’ont fait chez nous à une autre époque. Après un faux départ de Bayamo (deux voyageurs ont été oubliés), un dernier slogan à la sortie de la ville : « El unico compromiso de la revolucion es con el pueblo », cette fois avec une photo de Raoul.

Gare routière de Bayamo.


Le paysage changera légèrement une heure avant d’atteindre Santiago. La platitude se transforme en petits vallons, donnant une sensation de mouvement totalement absente dans tout le centre du pays. Débarquement à la gare routière de Santiago avec l’habituel cortège de taxis. Celui que je choisis a passé trois mois en France et n’est rentré que depuis vingt jours. Il est allé rendre visite à sa fille qui vit près de Marseille. Il me raconte son plaisir d’avoir visité le château d’If, lui l’amoureux du Comte de Monte-Cristo qu’il a lu et relu et vu toutes les adaptations cinématographiques. Il est aussi allé en Belgique où vit une autre de ses filles. Il a adoré le froid et est même revenu avec un bon manteau si jamais les températures venaient à descendre vers zéro à Cuba ! Il me donne sa carte en me promettant de bons tarifs pour des excursions dans les environs de Santiago. C’est une possibilité à ne pas négliger d’autant qu’il apprécie mon espagnol et me trouve un visage de « bébé ». Suffisant pour être bien traitée.


La casa que j’ai choisie dispose d’une chambre. Un beau piano à queue un peu fatigué trône dans la grande pièce de l’entrée de cette maison coloniale à très haut plafond. La fille du monsieur qui m’accueille est en voyage en France, sa petite-fille est pianiste et vit aux Etats-Unis, sa mère était historienne de l’art et sa tante professeur de russe. Voilà une famille intéressante et sans connaître tout de leurs professions, c’est un peu pour cela que j’avais misé sur cet endroit. C’est la fin de l’après-midi. Après un bon jus de mangue, je pars découvrir la place Cespedes tout près, le cœur du centre historique de Santiago. La doyenne de la maison, 87 ans, me prévient que je dois faire attention à mes affaires, ne jamais sortir avec mon passeport et prendre très peu d’argent. Diable, ne serais-je plus à Cuba ?

Santiago de Cuba, place Cespedes.


Ma première expérience de la ville lui donne seulement en partie raison. La place est pleine de « jineteros », ces jeunes hommes qui vous interpellent en vue de vous aider mais surtout de vous soutirer quelque chose, argent, taxi ou excursion. J’ai mon guide à la main et je me fais interpeller en français : « Bonjour, je peux vous aider ? Vous cherchez quelque chose mademoiselle ? » Et pour la première fois, ils sont un peu pénibles. Un monsieur dans un polo bleu, blanc et rouge, moustache et cheveux blancs s'assoit près de moi. Il est rejoint par un ami qui trimballe son violon dans un cabas. En cinq minutes, les notes de La vie en rose sortent grinçantes de son instrument. Je m'éloigne sans dire un mot.

Cathédrale de Santiago de Cuba.


La cathédrale occupe un coin de la place. Majestueuse avec ses deux tours, j’y entre par le côté bien qu’elle soit fermée. Elle est en travaux en vue de la venue du pape François en septembre. Le gardien m’aborde et me tient un discours différent de ce que j’ai entendu jusqu’à maintenant. Retraité, il a trouvé ce petit travail apportant des pesos supplémentaires. Il désapprouve grandement le comportement des jeunes dont je parlais plus haut et encore plus celui des gens qui quémandent du savon, des stylos ou des vêtements. A l’archevêché tout proche, des repas sont distribués gratuitement tous les jours, me dit-il. Donc même si on n’a pas les moyens, on peut vivre sans ennuyer les touristes. Quant au savon, ça coûte 5 pesos cubains, autrement dit une paille que tous doivent pouvoir acheter. Damned, je me serais fait entourlouper ! Je persiste à croire que certains demandent du savon parce qu’ils ne peuvent se l’offrir. Et il y aurait ceux qui gémissent pour qu’on leur donne notre casquette, par exemple, et qui essaient ensuite de la revendre. Aïe, Cuba ! Il reconnaît que Cuba est un pays sous-développé mais ce n’est pas une raison pour déranger ainsi les visiteurs qui viennent pour se détendre. Un discours totalement inattendu.

Santiago de Cuba, maison en ruines.

La cathédrale de Santiago de Cuba vu de la terrasse d'un restaurant.


Après avoir pris mes marques pour ma visite du lendemain, je cherche le restaurant dans le coin car il n’y a pas de dîner dans ma casa. J’en trouve un avec terrasse et vue sur la ville, en particulier l’arrière de la cathédrale dont les lignes sont soulignées par la très belle lumière du soir et les éclairs qui brisent la grisaille du ciel menaçant. Le dîner est très moyen et l’endroit ne doit pas être follement fréquenté puisqu’au moment de me rendre la monnaie, il manque 0,50 CUC, non disponibles dans la caisse. Je les laisse volontiers en pourboire et rejoins un peu au jugé ma casa dans les rues non éclairées.

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Commentaires
U
tu rentres " un peu au jugé dans les rues non éclairées ". J'aurais eu une grosse trouille ! bisouxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
A Cuba, Che Fidel
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A Cuba, Che Fidel
  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
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