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A Cuba, Che Fidel
2 juillet 2015

Santiago, sentiments mitigés

Ce matin, j’ai une idée assez claire de l’ordre dans lequel je vais visiter la ville. Après un petit déjeuner pendant lequel je refuse systématiquement le jambon, la friture de légumes et tout ce qui est salé, ce qui n’empêche pas la doyenne de m’apporter une assiette de frites tellement elle veut que je mange, direction la place Cespedes pour mettre la journée de la veille sur le blog.

Santiago de Cuba, place Cespedes.

Intérieur de la cathédrale de Santiago de Cuba.

Et les nuisances commencent. Un jeune homme éloigne un mendiant en lui demandant de ne pas m’embêter. Le wi-fi marche formidablement bien. Les mesures prises par le gouvernement seraient- elles à la hauteur ? Bien sûr, le jeune homme qui m’a libéré d’un poids en profite pour se présenter, Guillermo, professeur de salsa en France de temps en temps. Et quand il est à Santiago il a un taxi… qu’il me propose à des prix prohibitifs pour les excursions dans les environs. Et il est bien décidé à me montrer ce qu’il y a dans le coin. Je lui fais comprendre que je veux aller me promener dans une rue. Il insiste en voulant m’orienter vers l'artère commerçante et en me précisant que celle où je veux me promener est en travaux. Ma fermeté finit par payer. Aïe, que pesado !

Camion-bus, mode de transport très répandu à Santiago de Cuba.

Rue de Santiago de Cuba.

Et c’est vrai que toute la ville est en travaux. Peintures extérieures, ravalement… tout doit être en ordre pour la visite du pape et le 500e anniversaire de la deuxième ville de Cuba. Je profite de la très relative fraîcheur du matin pour arpenter les rues bordées de bâtiments coloniaux où sont désormais installés galeries, centres culturels et institutions administratives. Impossible de regarder un plan sans que quelqu’un ne vienne à mon secours. Et le pire ce sont les regards langoureux des hommes souvent accompagnés de sifflements. Ca n’arrête pas. Mieux vaut rester calme, mais cette ambiance caribéenne que j’avais connue dans l’est du Costa Rica est pesante.

Attention, un camion surgit dans les rues étroites de Santiago de Cuba.

Pour la première fois depuis le début du périple, je redécouvre les embouteillages. Santiago de Cuba a des petits airs de San Francisco. Attention, en miniature. Les rues sont étroites. Et en raison des montées et des descentes, il n’y a pas de bici-taxis dans la partie historique. En revanche, camions Dodge, Chevrolet et General Motor servant de transport pullulent. Leurs pots d’échappement dégagent une fumée noire à changer de couleur avant la fin de la journée. Comme les motos qui prennent des passagers, très nombreux. Sans compter les vieilles américaines et les voitures neuves. Je file jusqu’à la place Marte, vaste esplanade bordée par l’hôtel Libertad et un Mercado ideal… dont le contenu n’a rien d’idyllique.

Salle à manger du mémorial Vilma Espin Guillois.

Mon premier objectif est le Memorial Vilma Espin Guillois, en hommage à la femme de Raoul Castro. La visite se révèle très intéressante. La dame à l’accueil m’annonce le prix, 2 CUC, tout en me spécifiant que je peux faire toutes les photos que je veux pour ce prix, car peut-être que l’an prochain, il faudra payer pour les photos. Je lui dis que je ne paie jamais pour faire une photo. Et elle de me répondre que partout dans le monde on paie pour faire des photos ! Il va falloir lui offrir un billet d’avion… L’avantage c’est qu’avec le billet, on bénéficie d’une visite guidée si l’on veut. Je décide de la prendre pour tout savoir de cette femme qui était un peu la première dame de Cuba tellement elle a œuvré pour la condition des femmes. Bien qu’ayant passé deux ans aux Etats-Unis où ses parents l’avaient envoyée, elle fut aux côtés de Fidel et Raoul dès les premières heures de la révolution et la maison que je visite a servi de rendez-vous clandestin pendant la préparation de l’attaque du 26 juillet. Au total six salles racontent la vie de cette femme pas ordinaire à travers photos, objets personnels et mobilier qui est d’époque mais pas d’origine. Le magasin tout près, El Quitrin, qui dépend du mémorial est décevant. Même si les objets confectionnés le sont par des femmes, rien ne mérite un achat à mon goût.

Joueurs de domino à Santiago de Cuba.

Par des tours et des détours, je me retrouve sur une petite place où des attroupements se sont formés autour de joueurs de domino. Attention, pas sérieux s’abstenir. Les regards sont graves, les invectives un peu rudes et les gestes brusques. Pas question de poser le domino en douceur. Ils claquent car il s’agit d’affirmer son jeu. Un plateau d’échecs attend des joueurs alors que du côté du jeu de dames, le tête-à-tête dégage plus de réflexion. Seuls les hommes jouent. Quelques femmes bavardent sous des parapluies colorés. L’avantage, c’est qu’ici, les hommes sont tellement concentrés sur leur loisir qu’ils ne me voient pas. Quelle tranquillité !

Santiago de Cuba, le supermarché a souvent un nom idéal, les rayons le sont moins.

Affluence dans la rue commerçante de Santiago de Cuba.

Santiago de Cuba, la pauvreté est visible tous les jours à cuba.

Non loin se trouve la rue commerçante. Un tour s’impose. Les enseignes s’entrechoquent, les biens de consommation se regardent en chiens de faïence. Impossible de trouver une bouteille d’eau. Du Coca-Cola, oui, des sodas pleins de sucre en quantité aussi. Je passe à la Cubana de Aviacion pour réserver un billet vers La Havane quand je serai à Baracoa. La chaleur est écrasante. Santiago est dans une cuvette, l’air y manque et il y fait plus chaud qu’à La Havane. Je retourne à ma casa me reposer un petit moment.

Santiago de Cuba, museo Diego Velazquez.

Pour le début d’après-midi, la visite du Museo Diego Velazquez s’impose. Gouverneur de la ville, il a vécu dans cette demeure qui donne sur la place Cespedes. Autour d’un beau patio équipé de moucharabiehs, des salles ont été remeublées selon les modes des XVIe, XVII et XVIIIe siècles. J’ai droit à une visite guidée en français avec un ensemble d’explications très claires et très riches. Il subsiste un four qui servait à fondre l’or que les Espagnols rapportaient d’Amérique du sud ainsi que des peintures murales. De magnifiques plafonds à caissons ont été refaits tandis qu’armoires, lits et vaisselles sont d’époque. Comme à chaque fois que je visite un musée, je suis seule ou presque. Arrive une famille avec une jeune fille en grande robe. Elle fête ses 15 ans, un âge très important ici et très célébré. Elle est superbement habillée et rayonne de bonheur. La famille a choisi ce lieu pour la prendre en photo. Quant à moi, je me débrouille pour garder quelques souvenirs dans mon Nikon sans m’être acquittée de la taxe.

Santiago de Cuba, conducteur de bici-taxi en bottes.

Direction maintenant le Musée de la lucha clandestina où les portes sont fermées. Dommage, ce n’est pas précisé dans le guide. Je descends alors vers le port où un Malecon est en cours d’achèvement. Le bâtiment des douanes est très imposant et tout autour ce sont des entrepôts de couleurs vives à colonnes. Les bici-taxis ici sont rois, de même que les carrioles à cheval. Et pour cause, la route est plate. Je monte dans un bici-taxi tout en ayant rêvé d’une carriole à cheval pour rejoindre le cimetière San Ifigenia. Le chauffeur à des bottes au pieds et un écouteur dans une oreille. Il fredonne tout en pédalant ardemment. Alors que je suis à l’intérieur du cimetière depuis à peine trois minutes, je suis hélée par une jeune femme qui doit me vendre un billet d’entrée… et m’imposer 5 CUC supplémentaires pour prendre des photos. Avec ses faux ongles plus crochus que ceux d'une sorcière, elle détache difficilement le ticket. La relève de la garde au mausolée consacré à José Marti doit commencer dans vingt minutes.

Santiago de Cuba, mémorial José Marti au cimetière San Ifigenia.

Au son de tambours ronflants diffusés par des hauts-parleurs, trois soldats en chemise et gants blancs, habit vert dessinant des corps entretenus, le dos bien droit, lèvent le pied presqu’à l’équerre tout en tenant fermement leur fusil pointé vers le ciel. Ils vont soulager ceux qui sont en poste depuis une demi-heure. Et dans une demi-heure, le même défilé ajusté recommencera. Un gardien veille. Pas question de faire le tour du mausolée dans le mauvais sens ! Un rayon de soleil tombe toute la journée sur le cercueil en bronze du héros de l’indépendance. Et le bâtiment massif qui l’abrite est un gros bloc beige disgracieux.

Santiago de Cuba, cimetière San Ifigenia.

Tous les héros nationaux ont droit au drapeau cubain et ceux qui ont lutté pour la révolution disposent du drapeau du 26 juillet. Pour le reste, les riches familles d’autrefois ont fait construire des tombes somptueuses, parfois rehaussées de la statue du Christ ou de la vierge. Pas de fleurs, il fait trop chaud sous ces latitudes. L'ensemble est une marée blanche, en dehors d'un mausolée vert pour les forces armées. Je demande où se trouve la tombe de Compay Segundo. Elle tranche sur les autres avec sa guitare incrustée.

Santiago de Cuba, tombe de Compay Segundo au cimetière San Ifigenia.

Pour revenir vers le centre, je longe un endroit à demi-déserté et à demi-rénové. Quelques petits immeubles tout neuf éclatent de couleur et en face, les terrains sont abandonnés. Je croise une « conga », rassemblement de gens se trémoussant au son de tambours. C’est un peu la même ambiance qu’à Trinidad. Les gens qui défilent sont très ordinaires, certains déjà éméchés alors que ce n’est que la fin de l’après-midi. Je prends un « refresco de limon » chez un particulier. Non seulement il est très frais mais il est excellent. Et je saute dans un bici-taxi pour rejoindre le centre.

Santiago de Cuba, une conga défilant au son de tambours.

Alors que je rentre à ma casa pour me rafraîchir, un jeune homme m’arrête et me demande si on parle de Cuba en Europe. Tout en étant sur mes gardes, nous entamons une discussion autour de la situation à Cuba, de comment va la vie en Europe, si nous avons des ordinateurs et des téléphones portables. Je me demande ce qu’il cherche, mais il a l’air sincère. A 29 ans, il n’est jamais sorti de Santiago et n’aime pas les gens de La Havane qui méprisent ceux de Santiago. Une rencontre étrange. Décidément, Cuba reste surprenante.

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A Cuba, Che Fidel
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  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
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