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A Cuba, Che Fidel
30 juin 2015

Camaguey, églises fermées et éclopés

Le petit déjeuner peut réserver des surprises. Ce matin, le café était un quart de tasse ! Jusqu’à présent, j’avais droit à un thermos plein. Heureusement, les fruits restent délicieux. Place San Juan de Dios, classée au Patrimoine de l’Unesco sera ma première découverte de la journée, pas très loin de ma casa.

Avant même de l’avoir atteinte, j’entre dans une galerie de sculptures dont la tonalité est différente des galeries que j’ai vues. L’artiste est présent. Il m’explique qu’il aime les sculptures interactives, sans autre système que les bois qu’il travaille. Il a produit plusieurs séries, dont une autour des machines à musique qui sont des œuvres de grande taille. La dernière tourne autour des escaliers sur lesquels monte un homme muni de son cabas. Au bout de l’escalier une entrée, trop petite pour pouvoir pénétrer vers un ailleurs. Alors celui qui arrive au bout ouvre son parapluie pour sauter dans le vide. J’ai une longue conversation avec Magdiel qui a la chance d’avoir voyagé dans le monde, un privilège dont bénéficient les artistes à Cuba. En Europe, il n’y a que Paris et Rome qu’il ne connaît pas. Il a ouvert cette galerie il y a un an : achat de la maison et travaux lui ont coûté 25000 dollars. Un bon début de promenade.

Camaguey, place San Juan de Dios.

Camaguey, place San Juan de Dios.

Sur la place San Juan de Dios, une église, fermée, deux restaurants et des bâtiments bien conservés. Seulement deux vendeurs de souvenirs, pas de touristes et une femme qui prétend être malade pour me réclamer de l’argent. Tout près il y a un marché. C’est si rare que j’ai envie de voir. Formé de petites paillotes en dur bien alignées, il surprend par sa taille et son taux d’inoccupation. A peine la moitié des stands sont ouverts et ils proposent tous les mêmes produits. De l’oignon à en pleurer, des tout petits poivrons, quelques épices, de la patate douce et de la courgette. Un stand à l’écart étale de l’artisanat et un autre des chapeaux de paille.

Camaguey, petites maisons du marché.

Camaguey, beaucoup d'oignon au marché.

Un attroupement m’attire. Une bonne vingtaine de personnes font la queue, un sac plastique à la main. J’aborde un homme qui se tient un peu à l’écart. Lui attend des œufs, mais la majorité des clients vient pour les parties les plus pauvres du poulet : le cou, les pattes et les ailes. Il parle des « wastings » du poulet. Ca fait deux heures qu’il attend parce qu’une fois que le poulet sera épuisé, il y aura des œufs à vendre. Rapidement, il me demande si je parle anglais et poursuit la conversation dans la langue de Shakespeare. Il prétend que parmi la foule, la moitié sont des informateurs et que nous avons été photographiés plusieurs fois. Il a travaillé comme professeur d’anglais pour les militaires pendant dix ans et connaît bien leurs techniques. Aujourd’hui, il est auto-entrepreneur, un statut qui semble avoir les faveurs des Cubains. Il porte une casquette US Navy envoyée par son plus jeune frère qui, en tant qu’opposant, a été prié de quitter l’île. J’aime ces conversations inattendues au détour d’une balade et elles me laissent sur ma faim. Comment être certaine qu’il ne me raconte pas d’histoires enjolivées ou noircies ? La seule certitude c’est qu’il perd des heures pour un produit d’alimentation disponible dans tous les rayons chez nous.

Une rue de Camaguey.

En revenant vers le centre de Camaguey, des jeunes cherchent à attirer mon attention sur les trois articles qu’ils vendent sur le trottoir : des bonbons, des joints de robinetterie. Je me dirige vers la place José Marti où l’église est en train de fermer. Il est midi moins le quart et on me dit qu’elle rouvre à midi et demie. En plus d’être peu ouvertes, elles ont des horaires très spéciaux. Sûrement des horaires adaptés aux besoins des gardiens. Or la ville a été construite autour des églises édifiées par les Espagnols. Le plan du centre est un peu tordu, parce que les rues ont été tracées après les églises.

Camaguey, une jarre servant de décoration dans un patio.

Apercevant une des belles jarres qui sont aussi la spécialité de la ville, j’entre dans un dispensaire. Quelques vieilles personnes sont assises près du patio, regardant les infirmières passer ou lisant le nez sur le livre. D’ailleurs, je vois peu de personnes avec des lunettes. Camaguey était autrefois équipée de jarres pour recueillir l’eau parce qu’il n’y avait pas de source dans la région. Certaines subsistent en tant que décoration dans les patios.
Ce qui me frappe en parcourant les rues, c’est le nombre important de gens avec des béquilles, des poignets ou des chevilles cassés. La conversation de la veille avec mon « ami » Cubain parlant français me revient. Il y a bel et bien un problème d’alimentation dans ce pays. Il est vrai que tout le monde mange des glaces en permanence. J’ai payé la mienne 1 CUC, sûrement cinq fois sa valeur, mais comme les prix ne sont pas affichés…

Camaguey, un magasin à la vitrine trompeuse.

Derrière la vitrine moderne d’un magasin de lait et produits dérivés, rien. Les étagères et frigos sont vides. Seul du fromage est à vendre. Je croise plusieurs personnes avec des gâteaux posés sur un bout de carton. Un bici-taxi en transporte même sur sa plate-forme. L’enveloppe est toujours bleu et blanche, l’intérieur une sorte de biscuit. Ce ne peut-être de la crème. Il faudra jouer la curieuse.

Camaguey, qui veut du bon gâteau qui chauffe au soleil.

Il me reste une rue à arpenter. Calle Republica, longue allée piétonnière, il y a plus de magasins de réparation de portables qu’il ne doit y avoir de portables à réparer dans le pays. Et certains font preuve d’originalité : la clinica del cellular a ma préférence. Des bancs permettent de se poser et de regarder la population dans ses achats ou ses promenades. Une Cubaine se donnant des allures de gitane veut me lire les lignes de la main. Je refuse, alors elle tente une analyse. En 15 secondes, j’ai découvert que j’étais « selectiva, linda y sexy ». Qu’est-ce que ça aurait été si je lui avais présenté ma paume ! Je l’apercevrai un peu plus tard, abordant d’autres touristes.

Camaguey, un problème avec un portable ? Direction la clinique.

Camaguey, rue de la République.

Toujours dans cette rue, une galerie de divertissement avec piscine et jeux pour les enfants. Il y a du monde au bar pendant que les petits pataugent. Un peu plus loin, une mini-salle de sports avec appareils pour se muscler. Les restaurants ont chacun leur sono et il y a aussi des hauts-parleurs dans certaines portions de la rue. Impossible d’avoir un moment de calme. Autant d’agitation surprend. Depuis La Havane, tellement assoupie, et en dehors de Trinidad, figée dans un autre temps mais tellement attirante, les autres villes où je suis passée présentent un visage toujours plus commerçant. Il y a apparemment aussi des touristes cubains car il ne faut pas oublier que les vacances ont commencé, ici aussi.

Camaguey, la gare ferrovière.

Au bout de la rue, la gare ferroviaire… où deux trains sont en gare ! Impossible de les approcher. Je ne peux que pénétrer dans la salle d’attente, miteuse et pleine de gens en partance sous l’œil de Raoul vantant les mérites des trains cubains. Un comble quand on sait qu’ils sont hypothétiques et rarement à l’heure.

Camaguey, la jeunesse cubaine croit toujours à la révolution.

De retour vers ma casa, j’assiste à deux scènes que tout oppose. D’un côté des bus sur le point de partir. A leur bord, des jeunes buvant, chantant et jouant de la musique. Une banderole sur l’un d’eux laisse pantois : « Las razones para luchar y vencer se multiplican cada dia. » Renseignements pris auprès d’un militaire à moto assurant les bonnes conditions du départ, il s’agit de groupes de la jeunesse cubaine qui se réunissent en assemblée et vont planter un drapeau. Je comprends un peu mieux pourquoi la révolution dure depuis si longtemps.

Camaguey, séance photo sur une place.

L’autre scène se situe sur au même endroit, place de la cathédrale (faut-il préciser qu’elle est fermée ?) Une jeune mannequin en robe à froufrous bleus évolue sous le regard d’un cameraman avant de prendre la pose pour un photographe aidé de deux assistants. Un homme éméché et braillant entre dans le décor et se fait sérieusement éjecté. Autour, tout le monde regarde, surtout cette petite fille tournant autour de la statue d’Agramonte en roller.

Ce soir je dîne à ma casa. La propriétaire est assise avec deux autres femmes dans le patio vert lagon. Cigarettes et rhum accompagnent la discussion. Les trois femmes ont fait teindre leurs cheveux en blond et leurs voix grasses trahissent un manque de grâce sinon une certaine vulgarité. La chaîne hi-fi d'un design années 1990 diffuse à pleins décibels de la musique variée. Affalées dans leur fauteuil bas arrondi, leurs débardeurs moulants dessinent des vagues de graisse qui s'amplifient selon l'intensité de leur papote. La fille de la propriétaire a la bonne idée de baisser le son de la chaîne et d'échanger quelques mots en français avec moi. Pour le physique, elle est sur la même marée montante que sa mère. Comme ailleurs, les portions sont géantes mais les Cubains préfèrent montrer qu'il y en a trop. Ainsi va la vie à Cuba, pleine de contrastes.

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Commentaires
U
j'ai l'impression d'être là-bas avec toi. Descriptions, précises et vivantes, atmosphère rendue parfaitement. Les dégâts d'1 mauvaise alimentation ... Bisouxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
A Cuba, Che Fidel
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A Cuba, Che Fidel
  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
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