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A Cuba, Che Fidel
29 juin 2015

Camaguey, un centre très animé

Après une nuit bruyante, le réveil est difficile. Le bus part à 8 heures pour Camaguey. Il lui faudra cinq heures pour atteindre sa destination. Agitation habituelle à la gare routière où des chauffeurs de taxi proposent le même trajet au même prix que Viazul. Pour la première fois, il faut « enregistrer » son bagage et gare à ne pas dépasser les 20 kg ! En revanche, pas de passeport à présenter. Les mœurs sont décidément différentes en fonction des endroits. Des Cubains empruntent cette compagnie normalement dédiée aux touristes. Il en existe une autre, Astro, exclusivement réservée aux locaux.
Nous ne prenons pas d’autoroute, mais le cheminement par les routes secondaires ne change pas la nature des transports que l’on croise. D’ailleurs, la circulation est vraiment facile, ralentie ici ou là par une carriole à cheval. Champs de canne à sucre de tous côtés, quelques plantations de maïs et un premier arrêt au bout d’une heure à Sancti Spiritu où descendent peu de gens. Le trajet jusqu’à Ciego de Avila sera un peu plus long et sera suivi d’une inévitable pause déjeuner dans un restaurant d’Etat, Parador Oasis, essentiellement pour les chauffeurs. Il est 11 heures, un groupe de quatre musiciens revisitent Guantanamera et enchaînent les tubes. Ce systématisme finit par lasser un peu.


A partir de là, des troupeaux de vaches apparaissent dans les champs, dont les célèbres Holstein. La région est connue pour sa production de lait, pourtant quasi absent des magasins. Quelques zébus surgissent ainsi que des chèvres fougueuses au point de provoquer un brusque arrêt du bus pour éviter d’en écraser trois ou quatre. « Orden, disciplina y exigencia » sont écrits en grandes lettres de couleur sur des panneaux ou sur les murs. La figure de Che Guevara continue d’orner certaines façades. La canne à sucre se fait plus rare. Place aux champs de bananiers. Nous arrivons à Camaguey vers 13h30. Un bon point pour Viazul, les horaires sont respectés. Ce qui, à Cuba, n’est pas rien.


La gare routière étant un peu éloignée du centre, ce ne sont pas des chambres qui sont proposées, mais des trajets en bici-taxi ou en voiture. Impossible de placer un mot. Je choisis mon mode de transport à la tête du conducteur. Ici, les bici-taxis sont équipés d’une plateforme à l’arrière, capable d’accueillir valises et sacs de voyage. Les carrioles à cheval ont pris la forme de vraies calèches très élégantes… et la négociation a toujours cours pour le prix de la course. Mais les Cubains ne sont pas très difficiles en affaires. Mon « pédaleur » me propose la casa de sa tante. Ma réponse est aussi rodée que son travail d’intermédiaire : « J’ai une réservation. » Pourvu que la casa où il m’emmène ait une chambre libre ! Petit désagrément au moment de payer. Il n’a pas la monnaie sur un billet de 5 CUC. Pour la première fois, on refuse de me changer un billet de 5 CUC dans les cafés du coin. On me dit qu’il n’y en a pas, un serveur osant même me montrer un tas de pièces en affirmant que c’est tout ce qu’il a. En réalité, ils veulent que je consomme. Aïe, Cuba, que se passe-t-il ? L’affaire se règle dans un café plus « authentique ». Et je récupère une chambre dans une maison moderne cette fois, meublée avec des commodes années 1950. Les propriétaires se sont absentés pour déjeuner à l’extérieur. C’est la cuisinière qui me reçoit.

Ainsi en va-t-il des maisons d’hôte cubaines. Finalement, en dehors de Viñales et de Santa Clara où le couple s’occupait du ménage comme de la cuisine, partout ailleurs il y a eu du personnel. A Cienfuegos, il y avait deux personnes en plus du couple. Dagmara se plaignait que gérer la maison représentait trop de travail et qu’ainsi ces deux employées gagnaient un peu d’argent. Et à Trinidad, j’ai salué les propriétaires en arrivant et ils ont disparu le reste du week-end, laissant la gestion à une jeune femme. Dans cette grande maison coloniale autrefois occupée par des sucriers, l’histoire revient en arrière, au temps où les esclaves se chargeaient du nettoyage et de servir les maîtres de maison.


A Camaguey, je les croise en fin d’après-midi. Après leur déjeuner, ils ont ressenti le besoin de faire la sieste, puis sont ressortis. La femme, cheveux blonds décolorés et bagues soulignant son embonpoint, a tous les atours d’une patronne tyrannique, tandis que son mari, lointain descendant de Sadi Carnot, aère son ventre poilu mais dégage plus de sérénité. Encore un qui laisse sa femme pérorer, profitant de son agitation pour bénéficier d’un peu de tranquillité. Cela fait vingt ans qu’ils louent des chambres aux étrangers.


Et pourtant quelle différence entre ces entrepreneurs ! A Cienfuegos, le couple respirait l’intelligence modeste. On sentait une vraie réflexion dans le choix de vie qu’ils avaient fait, quittant chacun leur travail pour monter ce business. Et ils avaient une belle ouverture d’esprit, sans doute facilitée par la possibilité de voyager à l’étranger. A Trinidad, le peu de temps que je les ai croisés laissait deviner des gens cultivés, lui était historien, ayant depuis toujours appartenu à une classe sociale élevée. A Camaguey, rien de tel. Un zeste de mauvais goût. La famille aime afficher son ascension sociale par l’argent. Des photos de famille sont accrochées aux murs, portraits posés sur fond floutés. Dépenser fait partie des loisirs, la télé restant le divertissement favori.

Camaguey, incontournable Che.


Heureusement Camaguey recèle des secrets que nul guide ne dévoile. Ville d’églises (il y en a neuf), c’est là qu’est né Ignacio Agramonte, héros de la première guerre d’indépendance cubaine. Sa maison natale se visite, où seuls un piano et un lit ont appartenu à son propriétaire. En plus du ticket d’entrée (2 CUC), il faut payer 5 CUC si on veut prendre des photos. Maintes fois mentionnée dans les guides, cette mesure est la première que j’expérimente. Enfin que j’expérimente en transgressant la règle. Bien que ce soit difficile, car je suis en permanence suivie par une gardienne. Les objets exposés manquent un peu d’explication. La visite vaut pour la belle demeure XIXe qui a été remeublée dans le style de l’époque.

Camaguey, inspiration cinématographique.

Camaguey, la rue fait son cinéma.


Mais comme à Cienfuegos, la ville surprend par le nombre de ses magasins. Et surtout cette rue entière qui est un vrai décor de cinéma. Un bar Casablanca, un glacier Dolce Vita avec des photos de films où quelqu’un mange une glace. Notre célèbre Amélie Poulain y a sa place. En discutant avec une dame tenant l’agence Paradiso, je découvre qu’il y a eu dans cette rue le premier cinéma. D’où cette idée d’en faire un lieu du septième art. Il y a un cinéma, dont la programmation n’est pas très claire, et un centre culturel.

Camaguey, église Notre-Dame de la Grâce.


Un rassemblement près de la maison d’Agramonte m’intrigue. C’est la fin du carnaval, on enterre San Pedro, un mannequin de papier mâché. Les gens attendent à l’ombre et on me conseille vivement d’en faire autant pour jouir d’un spectacle de tambours exceptionnel. Un homme me tend son verre en plastique rempli de rhum. Je décline aimablement. Puis c’est un jeune homme qui m’aborde. Professeur d’aérobic, ça se voit, il me pose des tas de questions. Depuis combien de temps suis-je là, où suis-je allée, combien de temps je reste. Il parle très bas ce qui fait qu’avec l’effervescence autour de nous, je ne comprends pas la moitié de ce qu’il me raconte, mais mon acquiescement permanent a l’air de le satisfaire. Je me dégage poliment pour faire une photo.

Théâtre de Camaguey.


Mais je le retrouve plus loin et cette fois, il me présente un ami qui parle français. C’est parti pour une discussion très sérieuse sur la santé à Cuba. Son français est acceptable et je comprends qu’il y a beaucoup de problèmes de diabète et de cholestérol à Cuba. La faute à l’alimentation. Jusqu’à 4 ans, les enfants ont droit à tout ce qu’il y a de bon pour la croissance, après c’est en fonction de la disponibilité des produits. Une de ses amies s’arrête et lui raconte justement qu’elle passe une semaine à l’hôpital pour faire des tests. Elle est diabétique et pendant huit jours, elle va avoir des menus spéciaux. Il me présente à elle comme une amie française !

Camaguey, place des Travailleurs.

 

Camaguey, début de l'enterrement de San Pedro.


Pendant ce temps, le défilé de San Pedro a commencé et j’entends les tambours s’éloigner. Mais le ciel s’est terriblement obscurci et l’orage gronde. Nous nous séparons parce qu’il doit aller fermer sa maison. La pluie se met à tomber. J’en profite pour passer chez Etecsa où il y a toujours la queue devant le magasin. Un homme de service me précise qu’il y a du wi-fi à l’hôtel Santa Maria un peu plus loin. Sans attendre, j’y vais. A l’accueil, l’hôtesse m’annonce qu’il faut une carte et qu’elle n’en aura pas avant un mois ! Heureusement, je pense à demander si la carte Etecsa fonctionne. Et la réponse est oui ! Confortablement installée, je sors mon smartphone grâce auquel je vais pouvoir envoyer mes écrits sur le blog. Canalblog est bloqué sur les navigateurs, comme en Chine, mais reste disponible par l’application. Une grande victoire. La fin de la journée pluvieuse ayant rendue impossible toute visite, je décide de rester une journée entière supplémentaire.

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  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
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