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A Cuba, Che Fidel
3 juillet 2015

Santiago, assaut du castillo, rechazo del Cubano

Pas d’assiette de frites ce matin, la doyenne n’est pas réveillée. Un jus de goyave un peu fade et beaucoup d’attention de la part de mes logeurs. Ce matin, je pars à l’aventure. Tous ces camions convertis en bus qui tournent toute la journée dans la ville me donnent des envies. J’interroge les gens dans la rue pour savoir comment aller vers le castillo del morro en camion. Assez rapidement je suis renseignée. Un peu de marche et me voici au bon carrefour. Un homme en tenue jaune arrête les véhicules pour les passagers. Cinq minutes seulement d’attente et je grimpe trois marches pour m’installer dans l’antre d’un camion au moteur rugissant.

Un jeune garçon est chargé de collecter les 5 pesos requis et un autre se tient sur les marches frappant le flanc de la vieille carcasse pour signifier au chauffeur qu’il doit s’arrêter. Celui-ci ne porte aucune amabilité sur son visage. Environ 25 ans, la moitié des dents du haut manquantes et des vêtements qui ont été blancs il y a très longtemps. A l’intérieur, deux bancs d’une étroitesse étonnante le long des côtés et un troisième au milieu. Une fois remplis, les gens restent debout, le dos courbé en se tenant aux barres qui supportent une bâche. Le haut des côtés a été découpé pour laisser passer de l’air. Une jeune femme a la nausée, un groupe d’adolescents est ravi de prendre le chemin de la plage et un policier n’esquisse pas un sourire.

La côte vue depuis le castillo del Morro.

Les 9 km qui nous séparent du castillo sont vite parcourus, peu d’arrêts et une vitesse excessive qui oblige à bien se tenir. Le trajet n’est pas le plus fréquenté, mais ceux que j’ai vus dans Santiago même sont remplis au-delà de l’acceptable. D’abord pour les clients qui sont serrés comme des anchois et pour le véhicule mis à mal par un tel poids. Le castillo est un peu plus loin que l’arrêt. Je suis accompagné par un jeune qui monte pour ouvrir son stand de souvenirs et prend soin de rester à mes côtés parce qu’il pense qu’une femme seule risque d’être ennuyée.

Rampe pour monter les boulets vers les canons.

Il est 9h15, je suis la première à entrer au castillo. L’entrée est à 4 CUC plus 5 CUC pour les photos. Ca recommence. Je précise que je ne prends pas de photos et tends un billet de 5. La femme veut tout garder et me dit que ça ira pour l’entrée et les photos. Je réponds que non, que l’entrée est à 4 CUC et que je ne prends pas de photo. Bon c'est vrai, j'en prendrai en me cachant ! Elle n’a pas de monnaie et me promet mon CUC à la sortie… que je n’oublierai pas de lui demander.

Le castillo a été construit par les Espagnols au XVIIe siècle. Un plan en étoile à un endroit stratégique. Véritable forteresse, il régulait les entrées et les sorties de la baie de Santiago et la protégeait des pirates. Le lieu a surtout une grande importance historique car il servit de défense en 1898 pendant la guerre d’indépendance, celle qui vit s’affronter les Espagnols et les Américains. Ce fut aussi une prison pour y isoler les indépendantistes.

Plusieurs salles retracent l’histoire des pirates, celle des batailles pour l’indépendance. Une rampe montre comment on montait les boulets vers les bastions pour armer les canons, lesquels sont sérieusement astiqués par une femme dont les mains ont aussi pris la patine du produit qu’elle applique. Beaucoup de personnel qui se raconte des histoires pour passer le temps. Tourelles et douves rythment la construction. Un banc à l’ombre permet d’admirer la côte dans une parfaite solitude pendant un long moment. Jusqu’à ce que les touristes arrivent, essentiellement de langue espagnole. Un garçon d’environ 5 ans rend chèvre ses parents. Il gigote sans cesse, grimpe sur la moindre marche, proteste à chaque demande de ses géniteurs qui lui donnent du « mi amor » toutes les phrases pour tenter de le calmer, mais rien n’y fait. Je leur propose de les prendre en photo tous les trois. Le monsieur détecte une pointe d’accent français et prolonge la conversation dans ma langue.

Non loin de la Moncada.

Ce n’est que le début. Il est mi-Cubain mi-Français. Né à Cuba, il y a étudié la médecine, a quitté l’île à 23 ans pour la France où il s’est marié, y a eu une fille, a divorcé et s’est remarié avec une Catalane. Il vit maintenant à Barcelone où il exerce son métier de médecin. Cela faisait sept ans qu’il n’était pas revenu à Cuba. C’est là que commence un discours très dur pour son pays. Enfin une moitié seulement. Lui n’a pas payé l’entrée au castillo, mais sa femme, étrangère, a dû s’acquitter des 4 CUC. En revanche, il n’a pas été question de sortir un peso pour prendre des photos. Tous les deux n’en reviennent pas que l’on m’ait demandé 5 CUC pour appuyer sur le déclencheur.

Comité du PC près de la Moncada.

En résumé : « El que no llora, no mama. » Si tu ne pleures pas, tu ne manges pas, ce qui fait bondir mon interlocuteur. Pour lui, le Cubain est trop fainéant et s’est habitué à ne pas travailler, s’est laissé endormir par les belles paroles communistes qui ont beau être belles n’en restent pas moins  irréalisables. Tous les gens de sa génération qui ont fait des études sont partis, m’affirme-t-il. Il me propose de me ramener à Santiago. Je laisse tomber l’autre aventure envisagée (prendre une barque pour accoster sur l’îlot de pêcheurs Granma) et monte dans sa voiture de location. Il donne un CUC à la personne qui se charge de la surveillance. Un travail sans existence légale, un non-travail selon mon médecin mais un racket qu’il ne peut éviter. Et c’est comme ça pour tout, peste-t-il.

Mal vu quand il vivait à Cuba parce que de mère française, son choix a été vite fait. Mais il préfère revenir au pays avec le passeport cubain parce que c’est plus facile pour voyager. Louer une voiture sur place, il ne faut même pas y penser tellement ils (ses compatriotes, faut-il préciser) te volent. Les routes, n’en parlons pas, une misère. De là à ce qu’il ait honte de son pays, il n’y a qu’un mot à dire : « Je me sens plus Européen que Cubain. » Ce qui ne doit pas être difficile quand on vit entre la France et l’Espagne depuis près de trente ans. Là où il lui reste un bout d’âme cubaine, c’est au cas où le régime politique changerait. Il se dit alors prêt à fournir de l’aide médicale, lui qui a dû payer 100 dollars pour son diplôme et encore autant chaque papier nécessaire quand il a décidé de partir à la fin de ses études. Mais disposant d’un passeport français, il pouvait partir.

Immeubles à La Havane.

Nous traversons un quartier un peu huppé que je n’aurais sûrement pas découvert. Des immeubles en bon état et des maisons modernes, loin du centre parfois en ruines. Selon lui, ce sont les Chinois qui investissent pour les restaurations actuelles. Il me laisse non loin de ma casa où je fais l’admiration de la famille pour être allée la veille au cimetière et ce matin au castillo. J’appelle un taxi pour mon excursion du lendemain. La doyenne et son fils cherchent absolument à m’aider. Ils demandent au gendre dont la femme est en voyage en France s’il ne peut pas m’emmener à la Gran Piedra puisqu’il a eu une voiture ! J’insiste pour réserver un taxi et d’ailleurs, le gendre est tout désolé de me dire qu’il veut bien m’emmener partout où je veux sauf à la Gran Piedra. Je téléphone au taxi qui m’avait amené de la gare routière et nous nous mettons d’accord pour un prix et un horaire.

Traces de balle sur la façade de la Moncada.

Le reste de l’après-midi, je trouve le musée de la Moncada fermé pour réorganisation. Il rouvre le lundi. Je ne pourrai donc pas visiter ce haut lieu de la révolution qui garde les traces de balle sur sa façade, à moins qu’elles n’aient été consciencieusement entretenues voire restaurées ! Le parc Santamaria en face est marqué par un carré sur pylône sur lequel est gravé : « Morir por la patria es vivir. » A côté, le palais de justice est un élégant bâtiment blanc malgré tout un peu austère par sa rigidité. Je rejoins le parc Cespedes en prenant des rues au hasard. Derrière les portes ouvertes, je vois pour la première fois une femme lisant un livre, des télés allumées face à plusieurs membres de la famille dolents dans des fauteuils ou mal assis sur des chaises inconfortables. Camions, motos et taxis en tous genres sillonnent ces artères à sens uniques. Des jeunes désoeuvrés cherchent un contact en m’appelant « lady ». Au loin, la baie scintille sous les rayons du soleil qui gardent toute leur force jusque tard dans l’après-midi. Une séance photo de rue au parc Cespedes où je retrouve avec surprise mon interlocuteur d’hier soir. Ce que je soupçonnais se confirme. « Me gustas », m’avoue-t-il. Aïe Cuba ! La force tranquille s’exprime dans mon refus de toutes ses propositions. Avant de capituler, il me demande si mon mari est un homme ou une femme. Qui a dit que Cuba était un pays fermé ?

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Commentaires
U
j'adore la question pour savoir si ton mari est " un homme ou une femme ". Oui, belle ouverture d'esprit !<br /> <br /> Qué lastima ! yé se acâbö el blog tuyo.<br /> <br /> Hasta la vista, guapa !
A Cuba, Che Fidel
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A Cuba, Che Fidel
  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
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