Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A Cuba, Che Fidel
21 juin 2015

La Havane, de place en place

Difficile de ne pas remarquer ce qui saute aux yeux dès l’arrivée. A l’aéroport José Marti, tout est rouge. Des charpentes métalliques aux sièges des salles d’attente, une seule couleur. Celle du feu, du bonheur pour certains, mais aussi celle du sang. Bienvenue au pays du socialisme révolutionnaire. La note est donnée. Le trajet entre l’aéroport et la Habana vieja, c’est comme un tunnel noir. Il y a peu ou pas d’éclairage, le chauffeur de taxi jaune très officiel reste muet, la climatisation est à fond, à tel point qu’en sortant la chaleur provoque un nuage de buée sur mes lunettes. Destination le couvent Santa Brigida, en partie transformé en hôtel.

La Havane, plaza vieja.

La première journée se déroulera de place en place. A commencer par la Plaza vieja, qui porte fort mal son nom, tant les édifices qui délimitent son périmètre ont une mine insolente. Au milieu, une fontaine inaccessible car protégée par une grille. Sur la place, un magasin Benetton, un Lacoste et un autre de vêtements de marque comme Diesel. Tous sont estampillés Habaguanex, signe d’une appartenance étatique. Pour le reste, trois terrasses se partagent la clientèle étrangère, dont deux parient sur leur groupe musical pour séduire. Deux femmes en robes aux couleurs vives jouent les Cubaines pur jus dans le seul but de se faire prendre en photo contre rémunération. Mieux vaut tenter de transformer en fichier numérique une de celles tout de blanc vêtues dans de belles robes de dentelle.

_PAY0297 (Copier)

C’est parti pour la découverte de la vieille Havane dont le charme saute aux yeux dès que l’on y met un pied. Dans la partie sud de la rue Oficios, l’histoire religieuse et celle de la nation se côtoient. Stationné à l’arrière de l’église San Francisco de Asis, un wagon d’un ancien train présidentiel construit aux Etats-Unis et apporté à cuba en 1912. Bien sûr, il se visite.

La Havane, chevalier de Paris.

A l’entrée de l’église, la statue en bronze d’un Français autoproclamé Chevalier de Paris qui errait dans les rues de La Havane dans les années 1920. Succès garanti pour les photos et le lissage de sa barbe, porte-bonheur paraît-il. Celle de Chopin méditant sur son banc a les mêmes égards. A certaines heures de la journée, il est accompagné d’un « artiste » déguisé avec une patine similaire, tendant la main à chaque appareil photo brandi. Le plus intéressant est ailleurs. Pas encore dans la Biennale d’art qui s’achève et ne révèle pas d’immenses talents. Mais plutôt dans les imposants palais et demeures de la vieille ville.

La Havane, église Saint François d'Assise.

Le moindre lieu d’histoire est devenu musée : la maison de Simon Bolivar, l’ancienne maison du Che, la maison natale de José Marti… Sans compter les musées : celui de l’orfèvrerie, de la céramique, de l’automobile, des armes, la maison de l’Afrique, celle des Arabes… La liste est longue et le temps compté. Marcher les yeux en alerte apporte plus de bonheur qu’on en voudrait. Pas une rue qui ne soit en bon état, la chaussée est défoncée.

La Havane, entrée d'une belle demeure.

A l’image des bâtiments, mélanges de ruines aux couleurs passées et d’immeubles fraîchement ravivés. Derrière les grilles en fer forgé protégeant de hautes portes et fenêtres, les intérieurs sont miséreux. Mobilier disparate, murs défraîchis sans décoration, une télé posée à côté de la vaisselle. Mais de la musique en sort régulièrement quand le propriétaire n’a pas posé une enceinte sur le trottoir. Car ici, on sourit gratis malgré la pauvreté évidente. C’est une vieille ville léprosée, dont la maladie n’a qu’un seul remède : la pratiquer pour mieux la cerner.

La Havane, bouquinistes plaza de Armas.

Plaza de armas, les bouquinistes locaux sont rois. Sans surprise, les livres retraçant la vie du Che et énumérant les meilleures pensées de Fidel Castro sont majoritaires. Côté architecture, un mausolée néogrec côtoie la plus vieille forteresse du pays, tandis que le musée de la ville reste le bâtiment le plus important. Des Cubaines aux formes généreuses, plus folkloriques qu’authentiques, interpellent l’étranger, celui dont les poches sont bien garnies en monnaie de valeur. Mais la sollicitation n’est jamais agressive. Assis à l’ombre, un Cubain à la peau noire entièrement habillé de blanc joue des classiques à la trompette, sans quémander. En revanche, deux jeunes, dont l’un porte une guitare, guettent un regard accueillant pour entonner un « Besame mucho ». Ici, le sourire est aussi un moyen de gagner le premier peso de la journée.

La Havane, un bar pour Cubains.

La Havane est pleine de petites places, de havres de verdure où il fait bon se poser. C’est le cas de celle qui est à peu près au milieu de la rue Obispo, LA rue de référence. Celle qui regorge de magasins, alors qu’ils sont absents ailleurs. Mais sur cette place, pas de folklore. Deux vrais vieux SDF dépenaillés tirant sur un cigare de papier et un véritable rasta lisant le journal soucieux de ne pas être dans le cadre de la photo. La rue est en cours de rénovation. Autour ce sont surtout des commerces d’Etat, les plus nombreux étant consacrés aux souvenirs. Difficile de croire que les Cubains y font leurs emplettes. Les restaurants ont leur rabatteur et leur groupe de musique. Un magasin d’appareils électroniques est aussi clairsemé qu’une épicerie dans l’ex-URSS. Et ce n’est pas une publicité pour Tissot qui dupera quiconque : les montres à l’intérieur sont tout sauf exceptionnelles. Le seul bureau de change provoque une queue dans laquelle le dernier précise son statut pour aussitôt le perdre. Un office de tourisme, Infotur, est tenu par deux dames accueillantes mais dépourvu de documentation. Au moins l’une des deux parle un peu français, appris à l’Alliance française.

La Havane, la vieille guimbarde a besoin de réconfort.

Les Cubains ont la parole facile. André, conducteur de calèche, entame la conversation en précisant que c’est la fête des pères. C’est parti pour la saga familiale. A 61 ans, il doit travailler pour son garçon de 6 ans. Il en a un autre de 46 ans. Son boulot dans une cantine d’école n’est pas suffisant. Alors il cumule avec conducteur de calèche pour les touristes, sachant que cheval et calèche appartiennent à l’Etat. Tout coûte cher, le moindre tee-shirt ruine le ménage. Pas de famille à l’étranger. Petit à petit, il me recommande un restaurant où nous pourrions aller puisque je n’ai pas l’air de mordre à la calèche. Car c’est la fête des pères, et cela mérite bien un cadeau. Qui sera le prochain. Il faut s’extraire doucement, sans heurter, ne pas répondre à toutes les plaintes. Ce n’est que le début. Un peu plus loin, c’est Ernesto qui accompagne un ami mexicain de Los Angeles. Après les présentations, il ne manque pas de proposer ses services tout en me mettant en garde contre les rares voleurs d’appareil photo.

La Havane, boulangerie aux étals vides.

Place de la cathédrale, un seul restaurant et la statue d’Antonio Gades. Rien d’extraordinaire d’autant que la cathédrale est fermée ! La chaleur est écrasante. Les habitants sont souvent hors de leur maison. Assis sur une chaise devant leur porte. Quand il n’y a pas de grilles aux portes et fenêtres, elles ont été remplacées par des rideaux de fer disgracieux. Et certains sont à jamais condamnés après avoir gondolés.

La Havane, vie tranquille sur le pas de sa porte.

Dernière place de la journée, celle de la Révolution. Là où Fidel Castro a déversé tant de paroles pendant des heures. Pour m’y rendre, j’utilise un bici-taxi, moyen de locomotion très répandu dans La Havane. Mon chauffeur a une cinquantaine d’années. Il est licencié en économie, mais préfère ce travail de forçat car il lui rapporte plus (150 CUC contre 20 par mois). Il a une fille de 25 ans étudiante en médecine. Comme en Asie du Sud-est, le même dilemme se pose : faut-il les prendre et leur faire gagner leur vie ou ne pas les prendre parce que c’est inhumain ? Sans hésitation, il faut les utiliser.

La Havane, place de la Révolution.

Direction donc la place de la Révolution, gigantesque et tellement vide. L’objectif est le Théâtre national, où je vais voir un ballet. Contraste avec Paris : tout le monde arrive à pied, le bar est à l’extérieur, en réalité quelques personnes vendent à manger et à boire devant le théâtre. La salle est belle mais d’une autre époque, loin d’être pleine ce qui provoque un mouvement des spectateurs des rangées latérales vers le centre au tout début du spectacle. Arriver en retard n’est pas un problème, laisser son portable sonner non plus. Et bien des photos sont prises avec smartphone bien qu’interdites.

La Havane, Alicia Alonso au Théâtre national.

Les applaudissements iront croissants pour des Sylphides très académiques, un Céleste très électrique et une Carmen enchanteresse. Mais le moment le plus émouvant reste l’ovation spontanée et fervente pour Alicia Alonso, 95 ans, créatrice et directrice du Ballet national de Cuba, alors qu’elle s’installe au balcon. Sa révérence très gracieuse avec les bras provoque une onde supplémentaire d’applaudissements. Une fois le spectacle terminé, une bonne partie du public part à peine le rideau fermé. Pas de risque d’embouteillage, les taxis sont peu nombreux et la plupart des gens marchent jusqu’à trouver un bus.

 

Publicité
Commentaires
U
bien sûr, c'est je " viens " de recevoir. L'enthousiasme m'a fait faire une faute de frappe.
U
Hija ! qué bien ! une sorpresa muy grande ! Podemos leerte. Alegria alegria.<br /> <br /> Je suis si contente. Je vien de recevoir. Je n'ai pas encore lu. Bonne continuation.<br /> <br /> Plein de bisouxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de Madelou
A Cuba, Che Fidel
Publicité
A Cuba, Che Fidel
  • Premier voyage à Cuba, avant que les relations de l'île avec les Etats-Unis ne soient totalement réchauffées. Merci Barack Obama de cette décision qui m'a fait changer de destination de vacances.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité